Résumé.
Elle était aplatie sur le sol.
Il faisait nuit. Les étoiles brillaient dans le ciel de velours noir, un vent léger faisait bruisser les feuilles des arbres. Mila avait les yeux grands ouverts, fouillant la pénombre.
Cela faisait quatre ans que Mila vivait seule, cachée des autres, dans le froid de la nature. Son odorat, sa vue et son ouïe s'étaient considérablement développés. Elle voyait aussi bien la nuit que le jour, elle sentait une rose à 500 mètres de distance, au milieu des marécages et elle entendant quelqu'un s'approcher à 300 mètres.
Mila avait quinze ans. Elle avait quitté sa maison à onze ans. Elle était encore jeune, mais elle savait ce qu'elle faisait. Elle détestait son oncle, elle détestait sa tante et elle haïssait plus que tout sa cousine.
Sa cousine s'appelait Pollyn. Elle se vantait constamment d'avoir un prénom rare, des beaux cheveux, une belle peau et de belles jambes. Pollyn était belle, c'était vrai. Mais elle était aussi une affreuse petite peste.
Depuis que Mila avait cinq ans, sa cousine l'avait toujours embêtée, énervée, jusqu'à ce qu'elle craque.
Mila s'était plainte à son oncle, oncle Bernard, et sa tante, tante Marina. Mais les parents de Pollyn encourageait celle-ci à battre Mila, à prendre son repas, à casser ses jouets, à l'enfermer dans le cabane au fond du jardin...
La question qui se pose alors est : pourquoi M. et Mme Bidot avaient recueilli Mila chez eux ?
Tout simplement parce qu'ils n'avaient pas eu le choix. Les parents de Mila étaient morts dans un accident de voiture Mila avait eu la chance de s'en tirer, et les policiers l'avaient emmenée directement chez la famille Bidot. Ils n'avaient pas proposé plusieurs solutions. C'était soit ils prenaient la petite, soit ils avaient une amande vraiment coûteuse. Bernard Bidot s'était alors résigné à prendre la petite Mila chez lui.
Aussitôt la porte refermée, Marina Bidot avait sifflé :
- Il y a des règles, ici, Mila. Tu n'as pas le droit de courir dans la maison. Tu ne dois toucher à rien. Tu ne dois pas manger entre les repas. Tu ne dois pas parler à table, sauf si on t'en donne l'autorisation. Tu ne dois pas t'enfermer dans les toilettes. Tu ne dois pas parler de tes parents. Tu ne dois pas marcher sur la pelouse. Tu ne dois pas fermé à clé ta chambre. Tu ne dois pas embêter ta cousine Pollyn. Tu dois jouer avec elle si elle le veut.
Mila avait acquiescé, timidement, et on l'avait aussitôt envoyé dans une pièce aussi grande qu'un placard qui lui servait de chambre. Elle dormait sur un matelas rongé aux mites, avec une couverture trouée et un oreiller tellement plat qu'il ne servait à rien.
Mila avait mis du temps à se décider de partir. Sa vie était devenue un enfer. Pollyn se servait d'elle comme sa servante, et son oncle et sa tante lui donnaient à peine à manger. Autrefois mignonne, Mila était devenue maigre, frêle et, on doit l'avouer, assez laide. Elle récupérait les vieux vêtements de sa cousine et ne devait jamais se plaindre.
Mais un matin, l'enfant en eut assez. La veille, tante Marina l'avait obligée à récurer toute la maison, ainsi que la cabane au fond du jardin, et Pollyn avait adoré grimper sur son dos comme sur un cheval, pendant que Mila frottait le sol, à quatre pattes.
La fillette se réveilla donc d'humeur massacrante. Elle était furieuse. Elle se leva de son lit, prit son oreiller et fourra dans la taie toutes ses affaires. Puis, elle descendit sur la pointe des pieds - Bernard, Marina et Pollyn n'étaient pas encore levés - et sortit dans la brise fraîche du matin. Elle respira l'air qui embaumait la lavande, et gravit le petit portail qui donnait sur la rue. Elle ne se retourna pas. Elle se contenta de sourire.