Bonjour, y'a quelqu'un ? On dirait qu'il n'y a plus grand monde qui traîne par ici, dommage. Je poste tout de même ma nouvelle, un peu comme une bouteille à la mer ^^'.
C'est ma première nouvelle, donc soyez indulgents
Je ne vois pas trop comment résumer Opale, c'est une nouvelle sur l'amour des mots, pour faire simple.
Opale
Ça y est, c'est aujourd'hui. Fini les réveils moroses où l'on gratte avec les ongles ce qu'il nous reste d'envie de vivre pour se lever. C'est le jour J, bébé est arrivé diront les faire-part couleur rose papier toilette. C'est maintenant, se disait la mère d'Opale en accouchant d'Opale. J'aurai la plus belle fille du quartier. Pensez-vous, avec un nom pareil ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des Opale ? La mère ne voyait plus son corps enflé, son mari fadasse et la sage-femme imbécile. Opale, mon trésor, viens que je te présente ! Elle se voyait déjà accompagner ce rayon de soleil jusqu'aux voisins. Alors enfin elle serait respectée, elle, créatrice de la beauté innocente, elle, elle. Elle allait l'exhiber son Opale ! Plus belle qu'un simple caillou au doigt, un bijou que les maris ne pourraient offrir à leurs bourgeoises.
Mais voilà qu'on lui tend l'enfant. Ah l'affreuse chose ! Elle se reprend. Le plus pur des diamants serait souillé s'il fallait l'accoucher. Attendons la toilette, ils vont me la faire briller, mon Opale, ma belle, ma précieuse petite fille !
Après le bain, Opale est toujours laide, laide à faire peur. Elle n'a pas même la beauté des bébés, la peau douce, les yeux ronds et curieux, les mains de poupée. Était-ce seulement humain, ce tas de chair gazouillant ? Opale au prénom précieux causait bien du souci à la famille. Il est où le beau bébé ? Il est où ? Ah, il est là ! Ah le b... Le b... Le bébé ! Ça ne passait pas, le beau ne franchissait pas les lèvres, il restait coincé, là, derrière la glotte, écœurant les tantes et les cousines. Opale grandit seule et délaissée par sa mère qui, déçue, s'éprit follement du télé-achat.
Opale ne savait pas qu'elle était laide. Les enfants n'étaient pourtant pas tendres avec elle, Laideron ! Horreur ! Mais Opale entendait Lait de Rond - oh que c'est joli ! Eau rare ? Ce qu'elle chérissait par dessous tout, c'était son prénom.
Opale. Ô, pâle. Eau pâle. J'ai un nom qui sent bon la neige, se disait Opale. Elle était bien étonnée quand elle voyait sa mère et ses yeux tristes se lamenter :
« Qu'ai-je fait pour mériter une fille si laide ? Je t'ai donné un prénom trop précieux, il a enfermé toute la beauté en lui-même, Opale, tu n'as que ton prénom. Même ce prénom perd de sa beauté à ton contact, c'est un Oh de déception, un Pas en arrière, un Le qui traîne des pieds d'être si mal accompagné. Oh-Pas-le, Oh pas ça, Oh pars, pars, va donc jouer dehors !
Opale ne comprenait pas. Elle n'entendait que des sons qui la ravissaient. Pré – cieux. Conte – acte. Traîne, de mariée ? Les images se succédaient à une vitesse folle quand elle prenait racine sur le gazon familial. Sans le savoir, elle avait un don, le don d'être heureuse sans effort. Elle enfermait en son cœur les mots qu'elle aimait. Opale était un écrin, une boîte à musique, un coffre à secrets. Elle arrachait sa beauté au monde qui ne le soupçonnait pas. Qu'avait-il à craindre d'une si vilaine fille ? Au bout de seize ans de solitude, Opale ouvrit sa boîte à trésors.
Elle parla et laissa s'envoler tous les mots qu'elle avait enfermés.
crinoline miroir scintillant translucide luciole étoile cascade marguerite rouge orange bleu vert rose jaune prune calligraphie clef héliolite mirabelle
Les mots s'imprimaient sur sa peau, les voyelles faisaient briller ses yeux, les consonnes ses cheveux.
dune soyeux glossolalie boucle lubie île cannelle
Sa beauté était terrible.
surprise chrysalide bulle pendentif
Un jeune homme qui passait par là se suicida.
automne serpentine nuage italie
Le temps se figea.
améthyste libellule mystère
Le cœur du monde manqua un battement.
clepsydre or hiver
Les coccinelles prirent peur. Les iris, les lys et les primevères rentrèrent leurs pétales, les oiseaux se jurèrent de ne plus chanter, le soleil éhonté cacha ses rayons, le ciel qui ne méritait plus l'azur tourna au vert-de-jalousie.
Opale
Eau pâle magnifiée ouvrit les yeux sur un monde effrayé. Elle avait tout pris, toute la beauté, tout respiré, même celle cachée dans le pli de ta jupe, tu croyais qu'elle ne l'avait pas vue ? Opale pâlit, perdit le bonheur ignorant. Elle versa les premières larmes de sa vie, et se noya dedans.