C 'est un gouffre grand comme le ciel. Comment ne pas se jeter au fond des océans, là où la lumière est gonflée de ténèbres. Là où on ne respire plus que des vapeurs ensorcelantes qui font oublier l'air qui tourne autour de nous. Et nous, plantés là dans la pierre du monde, crucifiés à notre propre chair, à nos paroles qui chancèlent, trop lourdes à nos lèvres. Sans père, sans mère pour nous recueillir du gouffre. Comprenez monsieur, nous sommes perdus dedans.
Chacun de ses gestes finit par s'éteindre dans le cendrier de coquillage au pied du lit, remplis de cendre et de cadavres vides. La fumée bleue inonde l'air comme une mer que ses yeux brûlés fixent jusqu'au dernier mouvement de ses vagues, ses vagues froides, aveugles qui tracent dans la chambre comme des lambeaux du ciel.
Il y a longtemps que la fumée a commencé sa danse lente, ses mouvements las qui étouffent l'air, emprisonnent son regard et le tiennent fixe comme une roche, effondrée dans les flots qui la retiennent toujours. Je ne partirai pas d'ici se dit-il. Les courbes grises tournoient comme un manège autour de son crâne blond où vibre un grand silence. C 'est la mort se dit-il, la mort qui entraîne le courant de ses veines, la marche des jours somnambules qui titubent au fond d'une nuit immense.
Les jours sont passés, et passeront encore peut-être. Il fait chaud dans cette chambre, il y fait bon. La brume épaisse recouvre les murs et empli son corps d'une clameur pâle comme le visage de l'aube. Il soupire et dans son gorge il sent comme une morsure.
Je ne sortirai pas, dit-il, je n'irai plus dehors. Si il n’y a que des ratures, c’est que le ciel est trop haut alors je ne le verrai plus. Je n’ai plus de musique dans le cœur. La cour des hommes est comme un précipice où croulent nos épaules et la couleur de nos yeux. Les visages palissent de peur. Les yeux sont baissés comme des saules pleureurs dont les branches sont blessées. Dehors, c ‘est notre dignité qui s'en va. Je connais Paris et elle tremble comme une terre éventrée, remplie de bruits, de fracas sourds, de chemins morts que traversent les pas fuyants pour revenir ensuite, traqués. Leur membres sont lourds, voutés contre le jour levant et sa lumière cruelle les fait trembler de peur. C 'est si peu une vie à porter pourtant, à accrocher à ses veines enneigées et pourtant voyez comme elle les fait crever d'angoisse. Et cet espoir qui gonfle leur ventre, les fait trainer au sol.
Autant rester ici, il y a fait bon et les étagères sont pleines de diamants, de jolis objets comme gravés de caresses. Les feuilles vertes grandissent dans la poussière du sol. Il lui reste à fumer jusqu'à la fin des temps.